• « Laisser s'éloigner pour mieux piéger »

    N'éveille pas chez l'adversaire l'esprit de contre-attaque.

    Pressez l'ennemi (vaincu) et il contre-attaquera ; laissez le prendre le large et il affaiblira sa position. Suivez-le à proximité mais sans trop le presser. Poussez-le à gaspiller son énergie et sapez son moral. Après qu'il s'est éparpillé, soumettez-le sans même teinter de sang vos épées.

    Attente, la sincérité amène la fortune.*

    La guerre est très coûteuse, même pour le vainqueur. Généralement, il est plus profitable de mener une prompte bataille et d'anéantir au plus vite l'ennemi. Pourtant il faut dans certains cas rester prêt à saisir l'occasion, en attendant patiemment que se développe une situation avantageuse. Face à un ennemi puissant, il est par exemple parfois très déconseillé de passer immédiatement à l'action. Au lieu de cela, il faut user des conditions naturelles présentes et de savantes manœuvres pour consumer les forces et le moral de l'ennemi avant d'engager la bataille proprement dite.

    Par conséquent, en contradiction apparente avec l'idée reçue de la suprême importance qu'a la rapidité dans l'action militaire, ce stratagème met en exergue la nécessité de l'attente.

    Soumis à une vive attaque, un ennemi encerclé sera forcé de se battre jusqu'à la mort. Si on l'encercle sans l'assaillir violemment tout en lui laissant une issue de secours, l'ennemi ne tardera pas à perdre ses esprits dans une fuite désordonnée. Ainsi, afin de détruire l'armée ennemie en l'acculant dans une position adverse, il convient de préparer cette situation en usant progressivement l'ennemi plutôt qu'en l'agressant sauvagement, de peur d'éveiller en lui une résistance désespérée. D'un autre côté, le général ennemi peut mettre délibérément ses troupes dans une position critique (interdisant toute fuite) afin de les forcer à se « battre avec leurs tripes ». (Cf. Stratégie Vingt-Huit).

    Naturellement, l'ajournement est une méthode inhabituelle qui ne doit être utilisée qu'avec d'extraordinaires précautions. Avant de décider d'interrompre l'action, il faut avant tout s'assurer que ses propres troupes puissent se permettre d'attendre et que rien ne risque de survenir dans l'intervalle qui placerait l'ennemi dans une meilleure position.

    * Texte tiré de l'hexagramme 5 Su (attendre)... Face au danger, on ne doit pas se jeter en avant la tête la première mais plutôt attendre l'heure opportune.

     

    Hexagramme 5 : Su / L'Attente (la Nutrition)

    Su / l'Attente (la Nutrition)
    En haut K'an : L'Insondable, l'Eau
    En bas K'ien : Le Créateur, le Ciel

    Tous les êtres ont besoin de la nourriture d'en haut. Mais les aliments sont administrés en leur temps, qu'il faut attendre. L'hexagramme montre les nuages dans le ciel répandant la pluie qui réjouit tout ce qui croît et pourvoit l'homme de nourriture et de boisson. Cette pluie viendra à son heure. On ne peut la faire venir de force, mais il faut l'attendre. La pensée de l'attente est en outre suggérée par les propriétés de chacun des trigrammes : au-dedans, force; devant, danger . Face au danger, la force ne se précipite pas mais sait attendre, tandis que la faiblesse tombe dans l'agitation et n'a pas la patience d'attendre

    L'attente n'est pas un espoir vide. Elle a la certitude intérieure d'atteindre son but. Seule cette certitude intérieure donne la lumière qui conduit à la réussite. Celle-ci mène à la persévérance qui apporte la fortune et confère la force de traverser les grandes eaux. Le consultant a devant lui un danger qui doit être surmonté. La faiblesse et l'impatience sont impuissantes. Seul celui qui est fort viendra à bout de son destin, car il peut tenir ferme jusqu'à la fin grâce à son assurance intérieure. Cette force se révèle dans une sincérité inflexible. Ce n'est que lorsque l'homme est capable de regarder les choses telles qu'elles sont, sans illusion ni duperie à l'égard de lui-même, qu'il se dégage des événements une lumière grâce à laquelle on peut discerner la voie du succès. Une telle connaissance doit être suivie d'une action résolue et persévérante, car c'est seulement lorsque l'homme affronte résolument son destin qu'il peut en venir à bout. On peut alors traverser les grandes eaux, c'est-à-dire prendre la décision qui s'impose et tenir tête au danger.


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  • « Attire le tigre hors de la montagne »

    Pousse l'adversaire à déployer ses meilleurs éléments loin de leur base.

    Attendre que le temps épuise l'ennemi et tramer un complot pour l'attirer. Quand avancer amène à l'obstruction, il faut reculer.

    Dans un contexte militaire, un tigre dans sa montagne symbolise un ennemi puissant qui jouit de la protection d'une cité fortifiée, d'un camp retranché, d'un col montagneux stratégique ou d'une voie d'eau tumultueuse et sauvage. Celui qui commande une armée disciplinée est averti de ne pas se lancer à l'attaque d'un tel ennemi.

    Un proverbe chinois ne dit-il pas :

    « Gisant sur le sable, le dragon est importuné par les crevettes,
    descendant dans la plaine, le tigre est rudoyé par les chiens. »

    Ainsi, que ce soit en vue de l'annexion de territoires ennemis ou de la destruction de ses forces militaires, il faudra s'efforcer d'éloigner l'ennemi de son imprenable position avant d'engager le combat.

    Connexion avec la stratégie Trente.

    * Tiré de l'hexagramme 39 Kien (l'obstacle) « neuf à la troisième place » : en termes humains il est recommandé d'éviter de se trouver dans un lieu dangereux contrôlé par un adversaire puissant. En temps de guerre, il ne faut pas attaquer un ennemi fort qui occupe déjà une place avantageuse.

     

    Hexagramme 39 : Kien / L'Obstacle

    Kien / Obstacle
    En haut K'an : L'Insondable, l'Eau
    En bas Ken : L'Immobilisation, la Montagne

    L'hexagramme représente un dangereux abîme que l'on voit s'ouvrir devant soi, tandis que derrière soi on a la montagne abrupte et inaccessible. On se trouve ainsi environné d'obstacles. Mais la propriété de la montagne, qui est d'immobiliser, suggère également la façon dont on peut se libérer de cette obstruction. L'hexagramme représente des obstacles qui apparaissent dans le cours du temps, mais qui peuvent et doivent être surmontés. Toutes les indications données portent en conséquence sur la manière de vaincre les empêchements.

    Le sud-ouest est la région de la retraite, le nord-est, la région de l'avance. Il s'agit d'une situation où l'on se trouve face à des obstacles qui ne peuvent être vaincus directement. La sagesse demande dans ce cas que l'on s'arrête et que l'on fasse marche arrière. Cette retraite ne fait cependant que préparer la victoire sur les difficultés. Il importe de s'associer à des amis de même esprit et de se placer sous la direction d'un homme à la hauteur de la situation. On parviendra ainsi à écarter les obstacles. Cela exige une disposition persévérante au moment même où l'on est obligé de faire quelque chose qui semble éloigner du but. Cette direction infaillible de l'élément intérieur apporte finalement la fortune. L'obstacle, qui ne dure qu'un temps, n'est pas sans valeur pour le développement de la personnalité. C'est en cela que réside la valeur de l'adversité.

     

     


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  • « Battre l'herbe pour effrayer le serpent »

    Ne renseigne pas (vraiment) l'adversaire.

    Vérifier ce qui est douteux, démasquer l'ennemi avant de passer à l'action. Revenir et ramener à la lumière les secrets de l'adversaire.*

    Cette expression vient d'une histoire d'un livre illustré de la dynastie des Tang. Le juge du district de Dangtu, d'après l'histoire, était un homme gourmand qui acceptait autant d'épouses qu'on lui en offrait. Une fois, quelques habitants du district lui remirent en main une pétition accusant l'assistant du juge d'avoir trop d'épouses. Sidéré à cette lecture, le juge écrivit ce qui suit : « Vous avez seulement battu l'herbe, mais le serpent est effrayé ».

    Parfois on peut vouloir éviter de battre l'herbe pour ne pas effrayer le serpent et le voir s'échapper. De même, un commandant militaire doit souvent restreindre les engagements mineurs et impulsifs avec l'ennemi de peur d'exposer ses intentions et le dispositif de déploiement de ses troupes. Ceci est particulièrement vrai si l'on prépare une attaque surprise. Cependant, dans d'autres circonstances, il est tout indiqué de mettre en œuvre une opération découverte, même de petite envergure, pour tester les forces et faiblesses de l'ennemi avant de lancer une offensive totale.

    Connexion avec la stratégie Vingt.

    * Hexagramme 24 Fu (le retour)... le jugement du trait yang observe : « Retourner avant d'aller trop loin. Pas de remords. Grande fortune. » Comme l'hiver se développe lentement pour devenir le printemps, il faut agir prudemment au commencement d'une entreprise comme la guerre.

     

    Hexagramme 24 Fu / Le Retour (Le Tournant)

    Fu / Le Retour (Le Tournant)
    En haut K'ouen : Le Réceptif, la Terre.
    En bas Tchen : L'Éveilleur, le Tonnerre.

    L'idée de tournant est indiquée par le fait qu'après que les traits sombres ont repoussé vers le haut tous les traits lumineux, un de ceux-ci rentre dans l'hexagramme par le bas. Le temps de l'obscurité est passé. Le solstice d'hiver amène la victoire de la lumière. L'hexagramme est rattaché au onzième mois, le mois du solstice (décembre-janvier).

    Après le temps du déclin vient le tournant. La puissante lumière qui avait été chassée refait son entrée. Un mouvement se produit. Toutefois ce n'est pas un mouvement contraint : le trigramme supérieur, K'ouen, a le caractère de l'abandon, du don de soi.

    C'est donc un mouvement naturel, qui naît spontanément. C'est pourquoi la transformation des choses anciennes est parfaitement aisée. Le vieux est déposé, le neuf est introduit. L'un et l'autre correspondent au temps et n'entraînent donc pas de dommage. Des groupes se forment entre êtres animés des mêmes sentiments. Mais ces réunions s'accomplissent au grand jour, elles correspondent à l'époque et c'est pourquoi tout effort particulier et égoïste en est exclu, et il n'en résulte aucune faute. Le retour a son fondement dans le cours de la nature. Le mouvement est circulaire. La voie se referme sur elle-même.

    C'est pourquoi il ne faut rien précipiter artificiellement. Tout vient spontanément lorsque c'en est le temps. Telle est la Voie du ciel et de la terre. Tous les mouvements s'accomplissent en six étapes. Le septième degré amène ensuite le retour. Ainsi au septième mois après le solstice d'été où commence le déclin de l'année vient le solstice d'hiver; de même le lever du soleil survient à la septième heure double qui suit son coucher. C'est pourquoi le sept est le nombre de la jeune lumière qui naît lorsque le six, nombre de l'obscurité, s'accroît d'une unité. Ainsi le mouvement parvient à l'arrêt.


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  • « Regarder le feu depuis l'autre rive »

    Laisse tes adversaires se déchirer entre eux pendant que tu attends en regardant, et plus tard balaye le survivant épuisé.

    Quand la désunion de l'ennemi devient apparente, ne pas agir mais au contraire attendre le bouleversement maximal. De cruelles dissensions internes ne pourront que causer la mort de l'ennemi par ses propres mains. Agir au moment opportun apporte la félicité.*

    Bien que lors des manœuvres militaires on attache une grande importance à la rapidité, un bon général doit maîtriser l'art du retard. Il ne doit pas chercher la confrontation à tout prix mais, à l'inverse, il doit attendre son heure et patienter jusqu'au meilleur moment pour attaquer, idéalement quand son armée est au mieux de sa forme et quand l'adversaire est au plus bas. Tel est le principe de base de toutes les stratégies agissant à retardement.

    Pour moissonner les lauriers d'une guerre, usez de divers éléments d'une autre règle de base de la guerre : l'utilisation de forces extérieures pour parvenir à vos fins. De la sorte on met en rapport cette stratégie avec le stratagème 3 « Assassiner avec une épée d'emprunt » ce qui est plus difficile à mettre en œuvre car il faut le plus souvent manipuler conjointement plusieurs forces, qu'elles soient alliées, ennemies ou sans relations.

    * Tiré de l'hexagramme 16 Yu (l'enthousiasme)... A la guerre, le texte recommande d'attendre le moment propice. Tel le tonnerre qui ne frappe pas durant l'hiver, un chef militaire se retient d'agir jusqu'au moment favorable.

     

    Hexagramme 16 Yu / L'Enthousiasme

    Yu / Enthousiasme
    En haut Tchen : L'Éveilleur, le Tonnerre
    En bas K'ouen : Le Réceptif, La Terre

    Le trait fort à la quatrième place, celle du ministre qui gouverne, rencontre dans tous les autres traits, qui sont faibles, acquiescement et obéissance. Le trigramme supérieur Tchen a pour propriété le mouvement, et le trigramme inférieur, la terre, l'obéissance et le dévouement. On a ici le commencement d'un mouvement qui trouve en face de lui une attitude de dévouement et, par suite, entraîne tout avec lui et œuvre dans l'enthousiasme. Il est en outre une loi très importante : le mouvement doit s'exercer suivant la ligne de moindre résistance. Cette loi est exprimée dans l'hexagramme comme étant celle des phénomènes naturels et de la vie humaine.

    Le temps de l'enthousiasme est amené par la présence d'un homme remarquable qui est en sympathie avec l'âme populaire et agit en accord avec elle. C'est pourquoi il rencontre une obéissance générale et librement consentie. Pour éveiller l'enthousiasme, il est donc nécessaire de conformer ses ordres à la nature de ceux que l'on gouverne. Le caractère infrangible des lois naturelles a pour fondement la règle du mouvement selon la ligne de moindre résistance.

    Ces lois ne sont pas extérieures aux choses, mais elles constituent l'harmonie immanente de leur mouvement. C'est pourquoi les corps célestes ne s'écartent pas de leur chemin et tout phénomène naturel s'accomplit avec une régularité précise. Il en va de même dans la société humaine. Là aussi les lois qui ont leurs racines dans le cœur du peuple sont exécutées, tandis que celles qui lui sont contraires ne suscitent que de l'aigreur.

    De plus, l'enthousiasme permet alors d'engager des auxiliaires pour l'exécution du travail, sans que des oppositions secrètes soient à redouter. L'enthousiasme est aussi ce qui permet d'uniformiser les mouvements des masses, notamment à la guerre, de manière qu'elles obtiennent la victoire.


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  • « Bruit à l'est ; attaque à l'ouest »

    Induit en erreur le commandement adverse et sème le doute dans ses rangs.

    Le commandement ennemi est désorienté et perd sa sobriété, avec le symbole du lac en haut et la terre en bas, signifiant que l'eau de la rivière est prête à inonder la rive.*

    A la guerre, on peut obtenir l'effet de surprise aussi bien par la tromperie que par la rapidité de mouvement des troupes. Un proverbe chinois dit : « il n'y a jamais trop de ruse durant la guerre ». Cependant, cette stratégie avertit qu'il faut s'assurer du manque de jugement de l'ennemi avant de faire des feintes de mouvement pour le tromper. Un commandant avec une bonne présence d'esprit connaît ses forces et ses faiblesses, il déploie donc ses troupes en conséquence ; il n'est ainsi pas susceptible d'être dupé par les mouvements trompeurs de l'ennemi. Il peut même feindre d'être trompé et retourner ainsi les ruses de l'ennemi contre lui. Par conséquence, quand on veut tromper l'ennemi, il faut avoir à l'esprit de semer la confusion chez lui. Ainsi Sun Zi observe « Dans le passé, ceux qui avaient l'art de diriger les opérations de guerre s'assuraient d'abord d'être invincibles et ensuite attendaient une occasion de battre l'ennemi ».

    Cf. Sun Zi Bingfa VI

    * D'après le texte de l'hexagramme 45 Ts'ouei (rassembler)... Ainsi une foule de forces qui sont réunies pour défendre une ville doit avoir un commandement uni de façon à pouvoir soutenir le siège de l'ennemi. S'ils deviennent divisés dans leurs opinion ou hésitants quant à leurs arguments, la situation deviendra incontrôlable.

     

    Hexagramme 45 : Ts'ouei / Le Rassemblement (le Recueillement)

    Ts'ouei / Le Rassemblement (le Recueillement)
    En haut Touei : Le Joyeux, le Lac
    En bas K'ouen : Le Réceptif, la Terre

    Cet hexagramme s'apparente par sa forme et sa signification l'hexagramme 8 Pi / la Solidarité. Là l'eau au-dessus de la terre, ici le lac au-dessus de la terre. Le lac est le point où se rassemblent les eaux, c'est pourquoi l'idée de rassemblement est ici plus fortement exprimée que dans l'hexagramme Pi. La même, idée fondamentale découle de ce qu'il y a ici à la 4e et à la 5e places deux traits forts qui réalisent le rassemblement, tandis que là il n'existe qu'un seul trait fort à la Se place au milieu des traits faibles.

    Le rassemblement des hommes dans des communautés d'une certaine importance est, ou bien naturel comme à l'intérieur de la famille, ou bien artificiel comme dans l'Etat. La perpétuation de ce rassemblement s'accomplit au moyen du culte des ancêtres à l'occasion duquel le clan tout entier se réunit. Par la piété unanime des vivants les ancêtres sont si bien intégrés dans la vie spirituelle de la communauté de leurs descendants que celle-ci ne peut se disperser ni se dissoudre.

    Là où les hommes doivent être rassemblés, la puissance religieuse est nécessaire. Mais il faut aussi qu'un chef humain soit là comme centre du rassemblement. Pour pouvoir rassembler les autres, ce centre du rassemblement doit tout d'abord être rassemblé, recueilli en lui-même. C'est seulement par la force morale du recueillement que le monde peut s'unir. De telles grandes époques d'unification légueront aussi de grandes œuvres. C'est le sens du grand sacrifice qui est offert. Et dans le domaine profane aussi de grandes œuvres doivent être accomplies aux époques de rassemblement.


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